Tout sur le vin – Bio – Domaine du Ridge

IMG_7592-1024x768

Passer la main quand on travaille la terre est une grosse étape. L’attachement est tel que, bien souvent quand on est prêt à le faire, c’est à condition que cela reste dans la famille. Et quand les descendants se lancent, c’est pour donner un coup de jeune à l’entreprise. Et dans le cas de l’un des plus importants vignobles québécois, c’est aussi l’occasion d’expérimenter le biologique et la biodynamie. Un pari d’une jeune femme, Marie-Florence Crevier-Paradis du Domaine du Ridge.

« Y’a des cornes de vaches là-dedans ? »

« Oui, de vaches en lactation et qui sont remplies de fumier… ça va augmenter la biodiversité. »

« Donc t’as mis de la merde de vache dans des cornes ? »

« De la merde de vache bio, c’est bien important.  »

« Y’en n’a pas ben gros là-dedans hein ?  »

En quelques phrases avec un sourire en coin, le décor est planté. Celui qui apprend la présence de cornes de vaches remplies de bouse dans sa terre, c’est Denis Paradis. Ex-ministre et député fédéral dans les gouvernement Chrétien et Martin, il s’est lancé dans la viticulture en achetant il y a 25 ans ce qui allait devenir le Domaine du Ridge à Dunham. Ceux qui lui apprennent que la « merde » de vache est une des conditions pour cultiver en biodynamie, ce sont Julien Lavallée, un avocat qui s’est jeté corps et âmes dans ce vignoble et Marie-Florence Crevier-Paradis, la fille du politicien qui prend les rênes du domaine.

Elle qui a étudié en psychologie et en communication a eu le temps de se familiariser avec toutes les étapes de production. Si vous avez déjà bu le rosé du Ridge, il s’appelle Champs de Florence, en son honneur. C’était une question de temps avant qu’elle fasse le grand saut. « Veut veut pas, on est un des domaines pionniers au Québec, on est maintenant le plus plus gros en termes de vignes plantées et de loin, on est rendus avec 170 mille plants. On en plante 50 mille cette année et on est en train de voir pour de l’expansion » explique la jeune femme de 32 ans.

Gérer la croissance

Figurant parmi les 4 plus importants domaines vinicoles aux côtés de L’Orpailleur, Rivière du Chêne et le Domaine St-Jacques, Le Domaine du Ridge embouteille chaque année 150 000 bouteilles. On est loin du petit vignoble qui se cherche. « Il y a  20 ans, le monde venait nous visiter et nous disait je vais en prendre une bouteille pour vous encourager. Depuis ça a changé, ils reviennent pour le produit et pour l’expérience client, ça c’est une de nos forces ». Une stratégie, selon elle, pour fidéliser le consommateur qui en parle autour de lui, qui voit le vin à la SAQ et en parle avec les proches. Pandémie ou pas, les ventes vont bon train pour le domaine, que ce soit à la SAQ ou dans les épiceries. Le blanc du domaine, le Stanbridge, à base de vidal a connu des records de vente l’an passé.

Vive les hybrides

Ce n’est pas demain la veille qu’on verra du chardonnay, pinot noir sur le domaine selon Marie-Florence qui priorise les hybrides bien habitués au climat du Québec : « Y’a quelques années, le consommateur ne savait pas du tout ce que c’était, il avait de la misère à faire des comparaisons avec ce qu’il connaissait, mais de plus en plus, le client commence à être renseigné sur ces cépages « nordiques, ajoute Marie-Florence. » Ainsi les seyval, vidal, maréchal Foch, frontenac  et lucy kuhlmann ont encore de beaux jours devant eux sur ce domaine. Seul ajout potentiel, des super hybrides, comme le chardonnel par exemple. Pour Julien Lavallée, la phytotoxicité générée par la plantation de cépages dits nobles (comme le riesling, pinot et autres) n’est pas souhaitée car ces derniers sont plus gourmands en pesticides.

En route vers le bio et la « biody »

Vous l’aurez compris, l’une des façons de dépoussiérer un peu l’image d’un des vignobles pionniers du Québec c’est d’explorer l’agriculture biologique et même de se lancer dans la culture en biodynamie, selon les principes un peu ésotériques des cycles lunaires et de produits naturels ajoutés à la terre comme ces fameuses cornes de vaches remplies de bouse du même animal pour fertiliser davantage le sol. « On essaie d’améliorer nos techniques, déclare Marie-Florence, on veut être plus vert, on utilise beaucoup moins de produits. Bio, c’est tout un pari. » Si tout se passe bien, d’ici la fin de l’an prochain, 40 pour cent du vignoble pourrait basculer en bio.

Non loin du petit carré où ont été enterrées les fameuses cornes de vaches, se trouve un des anciens stationnements, transformé récemment en mini vignoble expérimental de biodynamie. Juste 2500 plants qui constitue un essai pour le futur. Le futur c’est déjà maintenant, selon la jeune relève qui s’essaie petit à petit à élaborer un rouge et un blanc « nature ». Des expérimentations rendues possibles par les bonnes ventes des vins plus « mainstream » qui cartonnent à la SAQ et dans les épiceries. Parallèlement et pour suivre la tendance, le domaine produit maintenant un vin »orange » nommé « Couleur » à base de vidal. Lorsque les jeunes ont voulu le faire goûter au patriarche Paradis, réputé plus conservateur (un comble pour un libéral) en matière de vin, celui-ci a déclaré « Over my dead body ! » Pas question pour lui. Mais après l’avoir effectivement dégusté, il s’est ravisé et l’a trouvé bien bon. Les jeunes directeur ont d’ailleurs failli appeler le nouveau produit « Over my dead body « …

Ainsi sous l’égide de Marie-Florence Crevier-Paradis, et sous l’œil bienveillant de son père, c’est la jeunesse qui s’affaire autant dans le vignoble sous le sécateur de Agnès Klimkiewicz, maître des champs qui s’occupe de revitaliser les vigne, que dans le chai avec Samuel Viau qui aime s’aventurer dans les expérimentations prônées par la jeune équipe. Élevage en cuves de béton, vin nature, prêt-à-boire, tout est à l’étude. Quand on vous disait que les cornes de vaches en lactation remplies de bouse bio n’est juste qu’un début…

Partager

Retour en haut